Interview des producteurs

Il est Corrézien de naissance. Elle est corrézienne d’adoption. Stephen et Sibylle de Peyrelongue sont installés non loin de Chamberet où ils élèvent en bio des bovins et des ovins. Ils sont viscéralement attachés à cette terre de Corrèze qu’ils travaillent avec respect.

Pascal Goumy : Où vous êtes-vous rencontrés ?

Stephen : Lors de la première édition du festival de la Porte Basse. Les trois premières éditions avaient lieu dans ma ferme.

Sibylle: J’étais venue en France dans le cadre d’un projet Erasmus. Je n’étais pas du tout sédentaire. J’ai parcouru le monde pour trouver Stephen ici.
Photo Stephen et Sibylle
L’idée de rester en Corrèze s’est imposée comme une évidence

Stephen. J’ai repris l’exploitation de mes parents en 2002. J’élève des bovins de race limousine et des ovins Texel et Charolais pour la viande. Je ne me voyais pas faire autre chose.

Sibylle. J’ai décidé de devenir paysanne en 2007 en ayant quelques idées sur l’exploitation. Au lieu d’augmenter la taille de l’exploitation, on l’a réduite et on s’est mis à faire de la vente directe en nous dotant d’un lieu de découpe et d’un véhicule froid.

Pascal Goumy : Quels sont, selon vous, les principaux atouts de la Corrèze ?

Sibylle. Sa nature assez diversifiée. Au sud du département, on a un climat presque méditerranéen. Ici, un climat de moyenne montagne. Et puis, ce n’est pas trop peuplé.

Stephen. Ce que j’ai ici ne me donne pas envie d’aller ailleurs. Je me suis toujours demandé si on partait loin pour découvrir autre chose ou parce que l’on n’est pas bien à l’endroit où l’on vit.

Pascal Goumy : A l’inverse, quelle est sa principale faiblesse ?

Stephen et Sibylle. L’éloignement. On est obligé d’utiliser la voiture pour aller au cinéma ou à la piscine. Pour se baigner dans une piscine couverte l’hiver, il faut descendre jusqu’à Tulle.

Pascal Goumy : Quels sont les leviers que la Corrèze doit activer pour son développement ?

Stephen et Sibylle. Tout ce qui touche au transport. À Chamberet, il n’y a qu’un seul bus par semaine qui va à Limoges. Ce n’est pas assez pour inciter les gens à abandonner leur voiture. Le Conseil général avait mis en place le ticket de taxi à 1 €, qui est depuis passé à 5€. C’est une bonne idée, même si elle ne concerne que les trajets vers une gare pour prendre un train et partir de la Corrèze. Il faudrait plus de flexibilité dans ce système, l’étendre à d’autres destinations à l’intérieur même du département.

Pascal Goumy : Quelle est la meilleure chose qui soit arrivée à la Corrèze ces dernières années ?

Sibylle. Le Conseil général a décidé de mettre plus de bio dans les cuisines collectives. C’est bien pour la filière. Cela favorise le produire et le consommer sur place.

Stephen. Et puis cela permet aux enfants de découvrir d’autres saveurs.

Pascal Goumy : Les Corréziens sont-ils accueillants ?

Sibylle. J’ai été très bien accueillie par la famille de Stephen. Lorsque j’étais à Brive, c’était un peu plus difficile même si je me suis fait des amis par l’intermédiaire du travail et du club d’escalade.

Pascal Goumy : Quel est le cliché dont est affublée la Corrèze qui vous énerve le plus ?

Stephen. On a un peu l’image de ploucs, d’habiter un trou perdu.

Sibylle. Moi, cela ne me gêne pas que l’on dise ça. En même temps, c’est vrai que l’on est dans un endroit reculé, mais c’est ce que l’on veut. « J’aime cette nature diversifiée »

Pascal Goumy : Que manque-t-il le plus dans le département ?

Sibylle. À part des modes de transport qui permettraient de ne plus prendre la voiture, je trouve que l’on manque de médecine alternative. Si l’on veut voir un homéopathe ou un naturopathe, il faut aller jusqu’à Limoges ou jusqu’à Brive.

Pascal Goumy : Où allez-vous faire vos courses ?

Stephen et Sibylle. Au Panier Bio à Uzerche. On y trouve de tout, du pain des légumes, du fromage. Sinon, on va au marché de Lacelle et au supermarché G20 de Chamberet.

Pascal Goumy : Qu’est-ce qui vous agace le plus ici ?

Sibylle. D’être obligée de prendre la voiture

Stephen. En même temps, si on ne veut plus prendre la voiture, il faut habiter à Limoges

Pascal Goumy : Comment voyez-vous la Corrèze en 2030 et au delà ?

Stephen et Sibylle. Toujours verte, mais plus peuplée qu’aujourd’hui et avec plus d’infrastructures. Il y aura aussi beaucoup plus de retraités qu’aujourd’hui. De plus en plus de personnes viennent passer leur retraite ici. Certaines parce qu’elles y ont des attaches, d’autres parce que ce n’est pas trop peuplé. La Corrèze sera aussi plus écologique, notamment grâce à ces nouveaux arrivants urbains qui auront à coeur de préserver l’environnement. Peut-être répondons-nous cela parce que nous connaissons des personnes comme ça ?

Pascal Goumy : Vous sentez-vous Limousin ?

Stephen. Je me sens Corrézien avant d’être Limousin. Ici, on a tout ce dont on a besoin : des cèpes, des truffes, du foie gras. Il ne manque que des huîtres.

Sibylle. Je me sens Allemande. Plus qu’Allemande, Européenne.

Pascal Goumy : Si vous ne viviez pas ici, ou aimeriez-vous vivre ?

Sibylle. Dans la région de l’Allgaü. C’est au sud de Munich. Une région très vallonnée, très campagnarde, avec une belle vue sur les Alpes.

Stephen. On pourrait aussi vivre au Canada ou en Norvège. En tout cas, dans un pays froid. Je ne supporte pas la chaleur.

22 Décembre 2011 – Interview réalisée et publiée par “La Montagne”
http://www.lamontagne.fr/archivev2/2011/12/22/ici-on-a-tout-ce-dont-on-a-besoin-130419.html

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